Saturday, April 01, 2006
Obsèques de Bernard Citroën (1917-2002), fils d'André Citroën
CHAPELLE SAINT-LOUIS DE L’ECOLE MILITAIRE
(PARIS)
MESSE DU 23 OCTOBRE 2002
EN MEMOIRE DE BERNARD CITROËN
(décédé le 9 août 2002)
Allocution de son fils Henri-Jacques
Dans cette enceinte prestigieuse, dans cette Maison du Seigneur où tant de héros militaires ont dû se recueillir et prier, je ne peux m’empêcher de penser aux propos que tenait notre père sur la guerre, sur les combats pour la France et pour la liberté, sur sa guerre comme pilote de bombardier. Il nous en parlait souvent, lui dont le physique frêle faisait plus penser à un intellectuel raffiné qu’à un guerrier. Et Dieu sait qu’il s’est bien battu.
Il était conscient d’appartenir à une famille de combattants dont certains ont payé tragiquement de leur vie leur engagement : son oncle Bernard Citroën , le frère d’André, a été tué dans les tranchées en 1914 en train de secourir un compagnon blessé ; son cousin Louis Citroën, chef régional du Réseau Résistance-Fer de Marseille, est mort à Auschwitz en 1944 ; son oncle Jacques Bingen qui, après la mort de Jean Moulin, venait d’être nommé délégué général par intérim du gouvernement du général de Gaulle en territoire occupé, préféra se suicider, avant d’être pris par l’ennemi, pour ne pas risquer de donner les secrets de la Résistance. Aucune fierté dans les propos de notre père, ni la sensation d’être un héros : pour lui, il était normal de défendre la patrie avant tout, sans états d’âme. Une grande fierté, cependant : être commandeur de la Légion d’Honneur. En tout cas, nous sommes fiers de lui.
Le récit de sa guerre figure dans un livre que notre père a écrit et publié. C’est le livre de sa vie et de celle de son père. Ce livre est dédié à des personnages qui n’existent pas ! Moquerie suprême adressée à son entourage. Ce salut ironique et sarcastique explique tout. Car notre père était un romantique perdu dans ses pensées et dans sa logique faite de passions. Dans une logique autre que la nôtre.
Pour lui, le monde donnait un spectacle affligeant. C’était un lieu de dominations et de souffrances. Il souffrait sincèrement pour tous ceux qui souffraient. La souffrance des autres n’était jamais banale pour lui.
Détaché des contingences matérielles, il n’avait aucun besoin : il était un esprit pur qui trouvait son plaisir dans le tennis, la littérature, la poésie et les jeux sans grand enjeu.
Dans un des nombreux poèmes qu’il a écrits, il se décrit simplement comme « pilote, ingénieur, écrivain solitaire ». Un écrivain solitaire heureux d’être membre associé de l’Académie du Var, son autre fierté. Notre mère disait toujours qu’il aurait dû être un tranquille professeur d’Université plutôt que polytechnicien dans ce monde difficile de concurrence où le rêveur n’a pas sa place.
Il croyait dans les médecines douces qui revêtent certainement un aspect plus poétique que la médecine scientifique. Il y voyait l’instrument élégant de la guérison pour tous en général, pour les plus démunis en particulier. Il était préoccupé pour les autres. C’était un homme inquiet. Et pour se libérer de l’angoisse, un recours permanent, un appui en qui il avait pleine confiance : la Vierge Marie. Lui, qui s’était converti au catholicisme pendant les années 50 (j’ai d’ailleurs assisté à son baptême), avait une dévotion pour la Sainte Vierge qui m’a toujours impressionné. Dans les dernières semaines de sa vie, alors qu’il souffrait tant, il la priait, il priait, il priait sans relâche. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour lui. Prions pour lui.
(PARIS)
MESSE DU 23 OCTOBRE 2002
EN MEMOIRE DE BERNARD CITROËN
(décédé le 9 août 2002)
Allocution de son fils Henri-Jacques
Dans cette enceinte prestigieuse, dans cette Maison du Seigneur où tant de héros militaires ont dû se recueillir et prier, je ne peux m’empêcher de penser aux propos que tenait notre père sur la guerre, sur les combats pour la France et pour la liberté, sur sa guerre comme pilote de bombardier. Il nous en parlait souvent, lui dont le physique frêle faisait plus penser à un intellectuel raffiné qu’à un guerrier. Et Dieu sait qu’il s’est bien battu.
Il était conscient d’appartenir à une famille de combattants dont certains ont payé tragiquement de leur vie leur engagement : son oncle Bernard Citroën , le frère d’André, a été tué dans les tranchées en 1914 en train de secourir un compagnon blessé ; son cousin Louis Citroën, chef régional du Réseau Résistance-Fer de Marseille, est mort à Auschwitz en 1944 ; son oncle Jacques Bingen qui, après la mort de Jean Moulin, venait d’être nommé délégué général par intérim du gouvernement du général de Gaulle en territoire occupé, préféra se suicider, avant d’être pris par l’ennemi, pour ne pas risquer de donner les secrets de la Résistance. Aucune fierté dans les propos de notre père, ni la sensation d’être un héros : pour lui, il était normal de défendre la patrie avant tout, sans états d’âme. Une grande fierté, cependant : être commandeur de la Légion d’Honneur. En tout cas, nous sommes fiers de lui.
Le récit de sa guerre figure dans un livre que notre père a écrit et publié. C’est le livre de sa vie et de celle de son père. Ce livre est dédié à des personnages qui n’existent pas ! Moquerie suprême adressée à son entourage. Ce salut ironique et sarcastique explique tout. Car notre père était un romantique perdu dans ses pensées et dans sa logique faite de passions. Dans une logique autre que la nôtre.
Pour lui, le monde donnait un spectacle affligeant. C’était un lieu de dominations et de souffrances. Il souffrait sincèrement pour tous ceux qui souffraient. La souffrance des autres n’était jamais banale pour lui.
Détaché des contingences matérielles, il n’avait aucun besoin : il était un esprit pur qui trouvait son plaisir dans le tennis, la littérature, la poésie et les jeux sans grand enjeu.
Dans un des nombreux poèmes qu’il a écrits, il se décrit simplement comme « pilote, ingénieur, écrivain solitaire ». Un écrivain solitaire heureux d’être membre associé de l’Académie du Var, son autre fierté. Notre mère disait toujours qu’il aurait dû être un tranquille professeur d’Université plutôt que polytechnicien dans ce monde difficile de concurrence où le rêveur n’a pas sa place.
Il croyait dans les médecines douces qui revêtent certainement un aspect plus poétique que la médecine scientifique. Il y voyait l’instrument élégant de la guérison pour tous en général, pour les plus démunis en particulier. Il était préoccupé pour les autres. C’était un homme inquiet. Et pour se libérer de l’angoisse, un recours permanent, un appui en qui il avait pleine confiance : la Vierge Marie. Lui, qui s’était converti au catholicisme pendant les années 50 (j’ai d’ailleurs assisté à son baptême), avait une dévotion pour la Sainte Vierge qui m’a toujours impressionné. Dans les dernières semaines de sa vie, alors qu’il souffrait tant, il la priait, il priait, il priait sans relâche. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour lui. Prions pour lui.